ثقافة FADHEL JAÏBI ET SA PIÈCE DE THÉÂTRE « LE BOUT DE LA MER » : TOUT EST VIOLENCE ET RECHRCHE DU SENS… Par MONCEF BEN MRAD
Par MONCEF BEN MRAD
J'ai eu le bonheur d'assister à la pièce de théâtre de Fadhel Jaïbi intitulée آخر البحر qu'on pourrait traduire par « LE BOUT DE LA MER » ou « LA MER FRONTIÈRE », là où l’homme est à la recherche du SENS et peut être de L'ESPOIR… Par cette création, le METTEUR EN SCÈNE a atteint les sommets de son art pour rejoindre les œuvres universelles, les œuvres qui parlent à tous.
Fadhel Jaïbi a cherché dans la MATRICE DU MONDE pour essayer de trouver un SENS au chaos du non-sens et de la violence. Si le philosophe Mounier a écrit que les jours consacrés à la violence sont plus nombreux que les jours consacrés à la paix, Jaïbi, lui, démontre dans cette pièce la démence, la violence et l’absurdité du monde…
Comme si L'HOMME se TROUVAIT perdu dans une mer sans rivage à l'horizon de laquelle point de soleil et de lumière à espérer. Shakespeare aurait écrit ALL THE ROADS ARE CLOSED… Rien, aucune espérance et la scène toujours très peu éclairée avec talent ainsi que le ressac permanent de la mer nous confinent dans le non-sens...
Indiscutablement, cette pièce de théâtre qui dure 2h20 minutes, nous entraîne dans un maelstrom mortel... Le sang est noir dans les veines d'hommes gris. Mais cette noirceur est au fond une aspiration vertigineuse au bonheur, au sens et à la liberté. Dans toute cette noirceur, une porte demeure néanmoins toujours ouverte...
Je ne vais pas vous raconter le terrible résumé de cette pièce mais vous entretenir, en quelques lignes, des personnages. Il y a Atika (Salha Nasraoui) qui interprète avec talent le rôle d'une femme qui se réfugie dans la folie, la vengeance et l’assassinat de son frère et de ses deux enfants. Sa passion, le feu de la culpabilité et le sentiment de la trahison la détruisent et l'enferment dans une folie meurtrière.
Hamadi (Mohamed Chaabene) le mari-amant de Atika, est d'un cynisme absolu. C'est lui qui a incité Atika à voler un précieux manuscrit sacré d'une librairie ancré dans le Yémen heureux... Personnage violent, roublard, manipulateur, il détruit tout ce qu'il touche en considérant la FEMME comme un simple objet de jouissance et d’intérêt.
Hamadi est un semeur de mort et de destruction. Il détruit tout ce qu'il touche malgré ou grâce à sa possession du manuscrit sacré. Jaïbi, à la fin de la pièce, ne s'empêche pas de se venger de lui. Le troisième, sans classification, personnage c'est la juge. Ce rôle est bien campé par la remarquable Rim Ayed qui a joué à l’américaine sans jamais hausser la voix, ni surjouer. Elle a incarnée une Thémis qui a tremblé un laps de temps pour redevenir l’incarnation d'une justice implacable... Le quatrième personnage c’est l’avocate. Interprétée par Sihem Akil, elle joue son rôle avec beaucoup d'émotion et d'humanité. Elle défend les nobles causes en vain. Le 5ième personnage c'est Hamadi Béjaoui le psychiatre qui se trouve à l’intersection de tous les drames et qui souffre lui-même du comportement de la société carcérale et castratrice. Le 6ième personnage, c'est la mer, mer envoutante, envahissante, obsédante, qui permet à la vie de naviguer, mais qui a sur Elle un pouvoir de mort absolu...
Qui a-t-il derrière آخر البحر ? C'est la question posée par Fadhel Jaïbi dans sa pièce magistrale. Les pouvoirs religieux personnifiés par le manuscrit sacré, le pouvoir judiciaire qui ne donne jamais raison aux innocents, le pouvoir sociétal qui broie toute humanité en chacun d’entre nous, le pouvoir du chaos qui ne peut être vaincu que par l'art et en particulier le théâtre ? Par cette création le METTEUR EN VIE a réussi une œuvre remarquable, hypnotique, réflexive qui renvoie L'HOMME aux intérieurs de L'HOMME. Point de départ à tout et point d’arrivée à rien. C'est ce chaos que Fadhel Jaïbi AFFRONTE pour essayer de lui trouver un SENS, et de reconstruire ce qui peut encore être sauvé.
Enfin un mot pour la remarquable création musicale de Ahmed Benjemy, toujours présente/absente, elle a ajouté une vibration à la pièce et une présence a la mer. Cette œuvre a vu le jour un peu aussi grâce au soutien matériel du Centre des Arts de Jerba de Fadhel Jaziri. Que tous ceux qui ont participé à cette création soient remerciés. J'attends la prochaine…